Les fourrages : un défi face au climat, un enjeu pour la santé de la trésorerie

Dans le contexte climatique actuel les années culturales sont de plus en plus exceptionnelles : une année record peut être suivie d’une année où les récoltes seront catastrophiques. De la même manière on peut très bien avoir une récole printanière exceptionnelle alors que la période estivale et automnale seront mauvaises pour la constitution des stocks de fourrage. Ces variabilités imposent une gestion pointilleuse afin de pouvoir conserver une distribution d’aliment en quantité et qualité suffisante.

 

I. Les fourrages et le climat

Les tendances générales climatiques montrent un bilan hydrique en diminution. En effet, les augmentations de température et d’évapotranspiration rendent la quantité d’eau disponible de moins en moins importante. De plus, les périodes de sécheresse prolongées deviennent de plus en plus récurrentes.

Ces modifications climatiques ne sont pas sans conséquences sur les plantes fourragères : réduction de la quantité de matière sèche récoltée, forte variabilité de la qualité, décalage des cycles de végétation etc …

Exemple du cas de l’herbe :

  • démarrage plus tôt en saison + premier cycle plus court => récolte plus précoce ;
  • creux plus important et plus long l’été (avec une pousse estivale difficile à anticiper) => manque d’herbe et diminution du stock hivernal ;
  • reprise plus tard mais plus longue à l’automne.

Le suivi technique à appliquer à cette culture est donc très variable d’une année à l’autre. Dans ce contexte, le maintien des stocks de fourrages devient un réel enjeu.

 

II. L’importance d’une bonne gestion de stock : pour la trésorerie et la rentabilité

Pour toute entreprise une gestion précise des stocks permet d’optimiser la trésorerie et d’accroître la rentabilité. Un excès comme un manque de stocks sont deux situations à éviter. Ceci s’explique par le fait que les stocks correspondent à des immobilisations de capitaux qui ne rapportent rien à l’entreprise. Les stocks peuvent même, lorsqu’ils vieillissent, faire perdre de l’argent. À l’inverse, un manque de stock provoque une diminution de la production et donc une perte de chiffre d’affaires.

Le tableau qui suit résume les conséquences des deux cas de figures extrêmes en gestion de stock :

Idéalement il serait judicieux de se placer entre les situations afin de tirer profit des avantages de chacune. En gestion de stock fourrager ce cas de figure correspondrait à un équilibre entre les quantités de fourrages en stock et les besoins des animaux. Cette situation est cependant difficile à atteindre par les variabilités de conditions climatiques (notamment la pluviométrie).

Des solutions existent cependant pour essayer d’ajuster et anticiper ses stocks.

III. Les astuces et techniques applicables en gestion de stock fourragers

a. Des outils de mesures et d’accompagnement

La mesure des stocks fourrager permet d’appréhender la différence entre les quantités récoltées et le besoin des animaux. L’intérêt principal est alors d’adapter sa production de fourrage ou d’anticiper d’éventuels achats. Ceci laisse alors plus de liberté pour préparer ces achats (bénéficier de qualité supérieur, et prix négociés).

De manière générale, il est conseillé de réaliser ces suivis de stocks environ trois fois par an :

                          1. Avant les semis de printemps ;
                          2. Après la première coupe ;
                          3. Après la dernière récolte automnale.

Beaucoup d’éleveurs réalisent ces mesures intuitivement mais il est cependant important de réaliser des mesures précises pour éviter les mauvaises surprises.

L’élaboration d’un bilan fourrager permet de formaliser ces mesures de stocks fourragers. Suite à ces calculs l’éleveur pourra alors mettre en place : un plan de distribution de l’alimentation ou une stratégie d’achat de fourrages. Les informations nécessaires à la constitution de ce bilan sont diverses : stocks N-1 / densité des fourrages / consommation et caractéristiques de la paille / rendements / etc …

D’ailleurs, le GNIS a développé un outil qui permet de simplifier les calculs du bilan fourrager (outil de calcul à retrouver sur la page du GNIS).

D’autres outils d’accompagnement existent et permettent aux éleveurs d’être assistés dans la gestion de leurs fourrages. L’application STOCK NOTES en est un bon exemple pour les éleveurs de vaches allaitantes. Cette dernière permet d’ailleurs de mesurer les stocks, les besoins des animaux mais aussi l’impact économique et financier des achats de fourrage.

 

b. L’adaptation de la production fourragère

La maîtrise des stocks fourragers peut aussi passer par une bonne gestion du peuplement végétal (du semis à la récolte). C’est alors une conduite purement technique qui permet d’optimiser les stocks.

Quelques astuces sont reprises dans le tableau qui suit :

Adapter les espèces cultivables – privilégier certaines espèces plus résistantes à la sécheresse (luzerne, trèfle violet etc.)

– prendre en compte les particularités du sol pour l’implantation du peuplement végétal (séchant, drainant, etc.)

– favoriser les mélanges diversifiés (attention au simple mélange Ray-Grass Anglais / Trèfle Blanc : productif mais sensible)

Utiliser des mélanges céréaliers – culture à fort potentiel de rendement et peu de problème de sécheresse (récolte tôt en saison)

– récolte assez compliquée (période favorable très courte) => qualité très variable

– dégagement des terres très tôt => mise en place de cultures dérobées possible

– intérêt économique à réfléchir (coûts qui peuvent être importants)

Mettre en place des cultures dérobées – permet d’accroître la SFP => potentielle production en plus (utile pour reconstituer des stocks)

– implantation parfois compliquée (sécheresse, battance etc.)

Optimiser la pousse automnale – opportunité de reconstitution de stock 

– qualité de fourrage non négligeable (semblable à celle du printemps) 

– attention au chargement en UGB/ha (sol parfois humide)

– permet une bonne reprise de l’herbe au printemps suivant

 

 

Ces choix techniques sont à utiliser en fonction du besoin de fourrage. En effet, il est préférable de garder à l’esprit que de telles actions peuvent avoir des coûts non négligeables et donc des conséquences plus ou moins lourdes sur la rentabilité. Ainsi, le bilan fourrager montre toute son utilité : si les calculs montrent un manque à venir de fourrage, une implantation de culture dérobée sera justifiée.

c. La gestion du troupeau en fonction des fourrages

Cette étape vient après celle de la réalisation du bilan fourrager car elle peut servir de levier d’ajustement. En effet, différentes solutions sont applicables à la gestion du troupeau afin de réduire les besoins :

    • Réfléchir à une éventuelle réduction du cheptel : vente de vaches de réforme / ou animaux en finition => stratégie qui peut être intelligente pour maintenir les stocks et la productivité de l’atelier principal ;
    • Ajuster la ration des animaux ;
    • Utiliser de la paille dans la ration des génisses ;
    • Déléguer l’élevage des génisses ;
    • Ajuster les périodes de mise à l’herbe (plus tôt au printemps, plus tard à l’automne).

Ces choix sont eux aussi à bien réfléchir avant d’être appliqués afin de ne pas impacter négativement l’atelier principal de l’exploitation.

 

La gestion des stocks reste donc délicate et d’autant plus pour les fourrages qui sont fortement dépendants du climat.  L’objectif principal est donc de lisser les rendements afin de limiter au maximum les impacts sur la rentabilité et la trésorerie. Diverses solutions existent et sont à mettre en place selon les spécificités de chaque système. De « nouvelles » cultures se développent aussi pour faire face à ces enjeux (silphie, miscanthus, etc…).