Les nouveaux crédits d’impôt pour l’agriculture verte : avantageux ou contraignant ?
À la mi-décembre 2020, la loi de finances pour 2021 a été adoptée. Cette dernière s’inscrit dans le cadre du plan de relance de l’agriculture. Ce plan nommé « France Relance » a fixé une enveloppe de 76 millions d’euros au verdissement de notre agriculture (voir article Réussir sur le plan de relance). Ainsi, la loi de finances est caractérisée par une implication écologique particulièrement marquée pour le domaine agricole. En effet, deux nouveaux « crédits d’impôt pour l’agriculture verte » ont été mis en place. Ils ont pour objectif de soutenir et d’inciter les agriculteurs dans cette valorisation d’une agriculture verte. Ainsi, le premier est orienté vers la Haute Valeur Environnementale (HVE). De son côté, le second crédit d’impôt concerne la réduction de l’utilisation de glyphosate. Dans la continuité de ce verdissement de l’agriculture, la loi de finances a opté pour la reconduction du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique. En effet, ce crédit d’impôt devait prendre fin en 2020, mais il est reconduit jusqu’à la fin de l’année 2022.
1.Le crédit Haute Valeur Environnementale
Qu’est ce que la HVE ?
Issue du Grenelle de l’Environnement, la certification HVE est une démarche reconnue et mise en avant par les pouvoirs publics. Elle est ouverte à tous les exploitants et à tous types d’exploitations agricoles. L’objectif principal de cette mention est de valoriser les agriculteurs et leurs pratiques, tout en assurant au consommateur une origine « respectueuse » de l’environnement. La valorisation passe par la mise en avant d’un logo sur les produits bruts et transformés issus de ce type d’exploitation. Ainsi, c’est un effet double qui est mis en avant par cette mention : assurance pour le consommateur de l’origine écologique des produits, valorisation des efforts de l’agriculteur.
La certification a été créée en 2011 et regroupe aujourd’hui un peu plus de 8 200 exploitations (voir chiffres clés de la HVE).
Les exploitations désirant obtenir la certification doivent suivre des règles précises. Ainsi, comme le montre le schéma qui suit il faut respecter les 3 niveaux graduels de la Certification Environnementale des Exploitations Agricoles.
De manière générale, la certification couvre tous les ateliers de l’exploitation. De plus, le passage à la certification se fait après des audits qui reconnaissent le niveau 3 (et donc après avoir validé les deux premiers niveaux). Les conditions de certification sont disponibles sur le site du Ministère.
Ainsi, un respect précis des réglementations est primordial pour obtenir la certification HVE. Afin de conserver cette mention les exploitations sont contraintes d’être auditées au moins une fois tous les dix-huit mois.
Bénéficiaires du crédit d’impôt ?
Le crédit d’impôt sera utilisable pour les bénéficiaires qui seront reconnus comme disposant de la certification HVE en 2021 et/ou 2022. Les différents bénéficiaires sont repris dans la liste suivante :
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- Entreprises individuelles agricoles
- Sociétés agricoles (SCEA, GAEC, EARL, SEP)
- Groupements agricoles (groupement forestier, GIE, GIP, GEIE, syndicat mixte de gestion forestière et groupement syndical forestier).
Quels montants et quels plafonds ?
Le montant de base du crédit d’impôt HVE est fixé à 2 500 €. Un autre plafond est fixé pour le cumul de ce crédit d’impôt et d’autres aides financières, le fonctionnement est repris dans le schéma suivant :
Comment imputer ce crédit d’impôt ?
En cas d’impôt sur le revenu : le crédit d’impôt est imputé au montant dû au titre de l’année au cours de laquelle l’exercice est clos. Il est important de savoir que le crédit d’impôt est plus avantageux que la réduction d’impôt. En effet, si le montant d’impôt est inférieur a celui du crédit la différence est remboursée au contribuable par la Direction Générale des Finances Publiques.
Pour l’impôt sur les sociétés : les conditions d’imputation sont identiques.
Pour souscrire à ce crédit d’impôt, il faudra remplir un formulaire établi par l’Administration.
2. Le crédit incitation à la sortie du glyphosate
Quelles conditions ?
Le choix des sénateurs a été de diriger de manière incitative plutôt que punitive les agriculteurs vers une réduction de l’utilisation de glyphosate. Le crédit d’impôt est donc applicable pour les exploitations n’ayant pas utilisé de produit contenant cette substance.
Cependant, afin de pouvoir bénéficier de cet avantage fiscal il faut exercer une activité principale :
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- dans le secteur des cultures permanentes
- sur des terres arables.
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Les éleveurs qui ont une part significative de leur activité liée à ces cultures peuvent donc y prétendre. Sont exclues les exploitations ayant une activité pépiniériste, ou cultivant des taillis à courte rotation. De la même manière, les terres en jachère ou sous-serre n’entrent pas en compte en tant que « terres arables ».
Combien ?
Le crédit d’impôt s’élève également à hauteur de 2 500 €. De plus, les GAEC voient ce montant multiplié par leur nombre d’associés (dans la limite de 4).
Le cumul avec le crédit d’impôt HVE ou encore le crédit en rapport avec l’agriculture biologique est interdit. De son côté, l’imputation sera réalisable sur le montant dû au cours de l’année où l’exploitant n’a pas eu recours au glyphosate (2021 ou 2022).
Un équilibre contraintes/avantages de ces crédits d’impôt ?
L’obtention de la mention HVE peut s’avérer être un réel avantage pour les exploitations qui ont besoin d’une valorisation plus importante. Cette valorisation passe aussi bien par l’image véhiculée auprès du grand public que par la valeur économique de ses produits. Les structures réalisant de la vente directe sont un bon exemple d’exploitations qui peuvent tirer profit de cette certification.
Il faut tout de même être conscient des contraintes liées à cette mention. En effet, pour l’obtenir il faut réaliser de nombreuses démarches et s’attendre à subir des contrôles. Les exploitants qui se lancent dans cette obtention sont donc conscients de la pression à supporter (administrative).
Pour certaines exploitations, chercher à remplir les conditions nécessaires à ces crédits d’impôt peut amener à entreprendre des modifications très importantes. En effet, la conduite technique peut se trouver fortement bouleversée. Il est donc important de rester vigilant afin de ne pas induire de pertes de rentabilité trop importantes. Gagner un crédit d’impôt pour perdre économiquement sur la rentabilité serait fortement paradoxal.
Les aides liées au protéines peuvent également s’avérer être intéressantes : Aides protéines.
Le point de vue d’Agrigestion
Ces deux nouveaux crédits d’impôt peuvent donc s’avérer être avantageux pour les structures qui peuvent ou qui sont déjà adaptées à des schémas de production en adéquation avec les contraintes imposées. Pour les exploitants qui souhaitent se lancer, il est primordial de bien réfléchir aux modifications à apporter à leur structure. Ces crédits d’impôt ne sont définis pour le moment que pour deux années : 2021 et 2022 ; alors que les impacts qu’ils exigent peuvent avoir une influence bien plus longue. Cependant, la reconduction de ces crédits d’impôt est tout à fait envisageable après 2022. De plus, la conditionnalité exigée par la mention HVE peut s’avérer être proche des notions d’éco-régime de la prochaine réforme PAC.
Date de publication : janvier 2021