Les protéines végétales : avenir, aide, plan de relance et développement ?
La situation française et européenne face aux protéines végétales fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années. Le fonctionnement actuel, basé sur un accord commercial des années 1960 qui définit les pays américains comme les producteurs de protéines végétales et l’Europe comme producteur d’amidon, est fortement décrié. Cette remise en cause intervient aussi bien au niveau écologique, qu’étique ou encore économique. Des notions de déforestation, de dépendance de nos agriculteurs aux marchés mondiaux, ou d’empreinte carbone interviennent alors.
Des engagements politiques forts se dessinent et parlent « d’autonomie protéique ». Comment peuvent alors se placer nos agriculteurs/éleveurs français ? Ont-ils une opportunité à saisir à travers ces filières qui se constituent ? Est-ce des productions risquées ?
Des espoirs se dessinent clairement au travers de la volonté des instances politiques de réduction face à la dépendance aux protéines américaines. Les marchés du soja bio et du lait bio sont en plein essor et semblent influencer positivement la demande en protéines « locales » et « vertes ». Les pressions de certaines organisations poussent aussi à croire en l’essor de ces filières. Toutefois, ces dernières sont aujourd’hui peu maîtrisées et ne sont en fait qu’à l’état de mise en place.
La situation des protéines végétales en France
Une production en baisse depuis 2000
Toutes espèces confondues ce sont près de 1 800 000 hectares qui se trouvent aujourd’hui semés en plantes produisant des protéines (légumineuses fourragères comme la luzerne comprise).Le schéma qui suit montre le découpage de la production et les surfaces associées.
Les inégalités de production entre chaque espèce sont marquantes : 620 000 T pour le pois contre 100 000 T pour tous les légumes secs (lentilles, lupin, fèves, etc…). De son côté le soja atteint aujourd’hui une production de 400 000 tonnes. Ces disparités sont en grande partie causées par les différences de facilité de culture : du lupin ne se cultive pas aussi simplement que de la luzerne. Les débouchés impactent également fortement la production de chaque espèce.
Au niveau des évolutions de production : elles sont elles aussi fortement différentes d’une espèce à une autre. Cependant, de manière générale la production de protéines végétales en France a diminué depuis les années 1980 au profit des cultures céréalières. Les légumineuses fourragères sont les cultures qui ont le plus subis ce phénomène avec – 90% de surface depuis 1960.
Cependant, pour l’ensemble des protéines végétales la production semble être stabilisée depuis 10 ans. Le soja et le tournesol qui deviennent du fait du changement climatique, plus facilement cultivables dans la partie nord de la France voient même leurs surfaces de production augmenter depuis 2015.
La production annuelle de la France s’élève ainsi à 15 millions de tonnes de protéines brutes. Parmi cette production, 4.5 millions de tonnes sont issues de matières premières riches en protéines ; la France est ainsi le premier pays européen producteur de plantes à fort taux protéique.
La consommation de protéines végétales : humaine et animale
La France est excédentaire de 2 millions de tonnes de protéines végétales brutes car ce sont 13 millions de tonnes de protéines qui sont consommés chaque année (comparativement au 15 millions produites). Ces données prennent en compte des mesures très larges de production de protéines végétales (fourrages compris).
Cependant si l’on observe la filière animale un déficit conséquent est notable :
- Déficit de 23 % si on comptabilise toutes les protéines végétales produites en France (y compris l’herbe et les fourrages malgré leurs plus faibles teneurs),
- Déficit de 50 % si on ne comptabilise que les matières riches en protéines (avec un taux >15%, comme les protéagineux ou le colza).
De manière générale, une grande partie des protéines végétales consommées en France sont à destination des animaux. Le tableau qui suit résume pour quelques types de plantes la répartition de la consommation :
La consommation animale dépend en grande partie de la teneur en protéines des matières premières (en alimentation animale : souhaite de concentrer la protéine). En effet, ce sont les espèces végétales à fortes teneurs en protéines comme le soja qui sont principalement consommées.
Pour atteindre l’objectif d’autonomie protéique en terme de consommation animale, il faudrait :
- 1.5 millions d’hectares de soja cultivés (soit plus de 8% des surfaces arables de France).
Et les protéines végétales à l’échelle Européenne ?
La production totale obtenue des 186 millions d’hectares de SAU de l’Europe s’élève à environ 80 millions de tonnes de protéines végétales . Parmi cette production, 40 millions sont issus des fourrages et 40 autres millions proviennent des cultures. De son côté, la consommation annuelle s’élève à un peu plus de 90 millions de tonnes. Ainsi, on peut constater que la situation européenne impose des importations conséquentes.
En comptabilisant les fourrages, 87% des protéines européennes sont consommées par les animaux contre 8% pour l’alimentation humaine (le solde étant des pertes, semences etc…).
Une grande partie du déficit protéique européen est comblée par l’importation de 30 millions de tonnes de graines de soja (dont 87% servent à l’alimentation animale).
Cultiver des légumineuses et des plantes protéagineuses en France : que faut-il prendre en compte, quel avenir pour les protéines végétales ?
Des avantages et des inconvénients certains :
Le plan protéines de la France, et son plan relance : des opportunités non négligeables.
Les ambitions claires de la France et de l’Europe laissent présager des évolutions non négligeables en terme de production de protéines végétales. Ainsi, dès le début d’année 2021 la France met en place son plan protéines qui sera effectif sur 10 ans.
Des objectifs biens définis :
- Augmenter les surfaces en espèces riches en protéines (+40 % en 3 ans), et les doubler en 10 ans (pour atteindre 8% de la SAU française)
- Améliorer l’autonomie alimentaire des élevages.
Les moyens financiers mis en places pour tenter d’atteindre ces objectifs sont décris par le plan de relance 2021 :
Ce dernier sera effectif jusqu’au 31 décembre 2022, et a pour objectif de dynamiser le plan protéines.
L’objectif d’augmentation des surfaces protéiques de 40% se fera également grâce aux aides couplées de la prochaine PAC.
Fonctionnement du plan de relance :
Quoi ? :
- Aide à l’investissement pour la réduction des intrants (voir article de FranceAgriMer)
- Soutien à l’investissement pour la protection contre les aléas climatiques (voir article de FranceAgriMer)
- Aide aux investissements pour développer les protéines végétales (voir article de FranceAgriMer)
Quand ? : Les demandes d’aides seront réalisables entre le 04 janvier 2021 et le 31 décembre 2022 (dans la limite des montants définis par enveloppe).
Qui ? :
- Exploitants agricoles
- Entreprises de Travaux agricoles (ETA)
- Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA)
- GAEC, EARL, SCEA dont l’objet est agricole
- Exploitations des lycées agricoles
- Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE)
Combien ? :
Pour l’aide liée à la réduction des intrants :
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- Montant de dépenses minimum de 2 000 € HT et plafonné à 40 000 € (plafond à 150 000 € pour les ETA)
- 20 à 40% du montant de dépenses HT seront versés en aides (selon le type de matériel)
- Majoration du taux de 10% pour les Jeunes Agriculteurs (avec au moins 20% du capital) et pour les CUMA
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Pour l’aide à l’investissement pour la protection face aux aléas climatiques :
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- Montant de dépenses minimum de 2 000 € HT et plafonné à 40 000 € (plafond à 300 000 € pour les ETA)
- 30% du montant de dépenses HT seront versés en aides
- Majoration du taux de 10% pour les Jeunes Agriculteurs (avec au moins 20% du capital) et pour les CUMA
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Pour l’aide liée au développement des protéines végétales :
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- Montant de dépenses minimum de 1 000 € HT et plafonné à 40 000 € (plafond à 5 000 € pour l’enrichissement des prairies)
- 40% du montant de dépenses HT seront versés en aides
- Majoration du taux de 10% pour les JA (avec au moins 20% du capital) et pour les CUMA
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Comment ? :
Il faudra réaliser une demande d’aides qui sera à déposer par téléprocédure sur le site de FranceAgriMer. Il faudra également fournir toutes les pièces justificatives nécessaires comme les devis d’achat de matériel par exemple.
L’avenir des filières de légumineuses et plantes protéagineuses semble donc intéressant. Les agriculteurs n’ont cependant que peu de recul sur les rentabilités de ces cultures. De leur côté, les éleveurs peuvent craindre de devoir faire face à des contraintes supplémentaires liées à cette volonté politique de gain d’autonomie protéique. Néanmoins, la progression de ce secteur est certaine : avancées techniques, développement de la filière, recherche variétale.